Paris – Berlin : je t’aime, moi non plus

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Par Sylvain Etaix

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La relation franco-allemande n’a pas fini de nous surprendre !

Le 27 août, Paris et Berlin décrétaient l’union sacrée au sortir du Conseil des ministres franco-allemand de Toulon. 8 feuilles de route et une vingtaine de projets étaient lancés. La France et l’Allemagne annonçaient la mise en œuvre de « leur agenda commun » pour répondre aux grands défis qui se posent à l’Europe : défense, énergie, numérique, marché des capitaux, innovation, etc. Pendant la première quinzaine de septembre, les représentants du corps diplomatique des deux pays n’ont cessé de porter la bonne parole, prêchant le retour du « réflexe franco-allemand » pour que l’Europe gagne sa souveraineté sur tous ces sujets hautement stratégiques.

Le 16 septembre, à l’hôtel Beauharnais à Paris pour les 20 ans du Club d’affaires franco-allemand (CEFA), le patron de KNDS France Nicolas Chamussy promettait des annonces « très prochaines » sur le projet MGCS (char du futur franco-allemand), avec le possible lancement de la première phase d’industrialisation. La grande entente franco-allemande était de retour ! Et puis quatre jours plus tard, rien ne va plus. Paris et Berlin sont de nouveau en crise. Cette fois, à propos du SCAF, le programme franco-allemand d’avion du futur, censé être développé en coopération avec l’Espagne. Sans doute lassé par l’instabilité politique et la dette française, Berlin a fait savoir qu’il était prêt à chercher un autre partenaire que la France pour développer le SCAF !

Toujours dirigée par Sébastien Lecornu, la direction générale de l’armement (DGA) a immédiatement tenté de désamorcer l’affaire. « Comme l’ont réaffirmé le président de la République et le chancelier lors du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité du 29 août, la France et l’Allemagne restent déterminées à mener à bien le programme SCAF en coopération avec l’Espagne … Le ministère des Armées est pleinement investi avec ses homologues allemand et espagnol pour aboutir à une solution mutuellement acceptable d’ici la fin de l’année » indique le communiqué de la DGA du 20 septembre. Le 23 septembre, face aux menaces des Allemands de quitter le projet SCAF, Eric Trappier, Pdg de Dassault a affirmé que l’avionneur tricolore pouvait conduire seul « de A à Z » le projet SCAF. Pour Dassault, la gouvernance partagée avec
Airbus est inefficace.

Dassault prêt à mener seul le projet SCAF « de A à Z »

Lancé en même temps que le MGCS en juillet 2017, le projet SCAF est sans aucun doute LE programme qui pourrait véritablement relancer la coopération franco-allemande. Mais il s’agit d’un programme d’une extrême complexité où industriels (Dassault côté français et Airbus côté allemand) sont à couteaux tirés. Sur ce projet éminemment stratégique, les positions des deux industriels peuvent sembler justifiées. A Toulon, face à l’urgence de la menace russe, Paris et Berlin ont annoncé qu’un « accord acceptable pour toutes les parties » était toujours attendu pour la fin de l’année. Une réunion d’urgence doit se tenir en octobre au plus haut sommet sur le sujet.

Si l’on excepte cette nouvelle crise, le monde du franco-allemand nous a fourni une belle rentrée de septembre pleine d’événements de haute volée : Congrès franco-allemand de Chemnitz le 3 septembre, Congrès des dirigeants de filiales françaises en Allemagne et French Tech In Germany Awards à Düsseldorf, 20 ans du Club économique franco-allemand (CEFA) à Paris le 16 septembre sans oublier le 25ème Congrès des clubs d’affaires franco-allemands (25 au 27 septembre) à Hambourg. Votre média était partenaire de tous ces rendez-vous incontournables, qui ont chacun à leur manière rappelé la richesse, la profondeur de la relation bilatérale et la volonté des acteurs économiques et de la société civile de faire bouger les lignes en cettepériode incertaine. De quoi être optimiste pour l’avenir. « La relation franco-allemande est faite d’antagonisme, de désaccords mais au final il y a toujours une convergence » résumait Maurice Gourdault Montagne Ambassadeur de France à Berlin de 2011 à 2014. Les prochaines semaines nous révéleront si cet adage est encore d’actualité.

La relation franco-allemande est faite d’antagonisme, de désaccords mais au final il y a toujours une convergence.